Métro boulot dodo
Pour être honnête, cette expression n'a jamais vraiment eu de signification pour moi : elle était simplement synonyme de routine. J'ignorais qu'elle représentait en verité le cauchemard infini de toute une partie de la population.
Hier, pour la première fois, je devais prendre le train dés le matin en pleine semaine. Direction Lyon, une ville pleine de bureux où les gens iraient s'entasser pour taper sur des touches jusqu'à avoir de la corne aux doigts. Je suis monté dans une machine tellement vieille et grinçante que je n'aurais pas été surprise de la voir tirée par une locomotive à charbon. Les banquettes y étaient plus longues, plus serrées et plus inconfortables qu'à l'accoutumée, et cela donnait encore plus aux travailleurs l'aspect de bêtes qu'on conduit à l'abattoir. Je n'ai pas le souvenir d'avoir jamais vus de regards aussi vides que dans ce train. Ils ne semblaient voir pesonne, être insensible aux bruits, au froid, et même aux nombreux cahots qui nous secouaient. On aurait pu croire qu'ils dormaient encore, mais leurs yeux à tous étaient pleins d'une tristesse infinie. Ils semblaient englués dans une détresse à laquelle ils se pliaient sans réflèchir, conditionnés dés le début pour mener cette existence vide de sens. J'ai compris pourquoi la France était gouvernée par des gens orgueilleux que les français n'aimaient pas : ils n'avaient plus la force de changer les choses. Je connais quelque quelque lycéens et étudiants hyper volontaires et impliqués, mais je vois bien que le système s'appliquera à détruire la moindre parcelle de révolution dans leur tête, pour en faire des coquilles vides, des enveloppes sans âmes paramétrées pour travailler.
Et rien ne fut plus claire quand je me suis tournée vers mon père, qui prenait le même train que oi vu qu'il travaille à Lyon. Je l'ai toujours connu espiègle et malicieux, pourtant ce matin je l'ai surpris en train de mettre le même masque que les autres : son expression était tellement triste que les coins de sa bouche s'étaient étirés vers le bas au point presque d'atteindre les bords de son menton. Son air soucieux faisait doubler les rides sur son visage, et ses yeux semblaient éteints. Je pense même que si j'étais passé devant lui sans savoir qu'il étaient dans ce train, je ne l'aurais même pas remarqué. J'ai compris que quand un français part travailler, il passe en mode automatique. Et c'est pas beau à voir.
Smoutchis, Liloo